WINTZENHEIM.HISTOIRE

Antoine Herzog père (1786-1861)


LogelbachAntoine Herzog père, photographie Antoine Meyer extraite des "Biographies Alsaciennes 1884" (collection Guy Frank)

Antoine Herzog père, fondateur de la grande maison industrielle du Logelbach est né à Dornach, dans le département du Haut-Rhin, le 25 janvier 1786 d'une respectable famille qui vivait de son travail. Doué d'une intelligence peu commune, il se fit remarquer de bonne heure par sa pénétration et sa vivacité. Un manufacturier de Mulhouse, ayant eu occasion d'observer le caractère de cet enfant, reconnut dans ses qualités les conditions d'un avenir brillant. Il le prit en affection et l'envoya à Paris, faire des études de mécanique au conservatoire des arts et manufactures. Le jeune Herzog devint bientôt un des premiers élèves de cette institution et acquit les connaissances qui devaient l'amener à devenir un des principaux promoteurs de l'industrie manufacturière du pays. Au sortir de l'école, il commença par être employé dans un établissement de filature sur la Bièvre, puis à Saint-Quentin. En 1806, il rentra en Alsace comme directeur de la maison Lyschy et Zurcher à Bollwiller. Trois ans plus tard, en 1809, Nicolas Schluniberger l'attacha à son établissement de Guebwiller, pour diriger le montage de sa filature. Peu après, M. Herzog épousa Mlle Ehret, d'une vieille famille de la bourgeoisie de Masevaux. Sa femme, d'un caractère ferme et décidé, lui assura l'appui nécessaire pour surmonter avec moins de peine les difficultés des premiers temps. Il en eut trois fils et deux filles, tous nés au Logelbach, près Colmar, où un autre Schlumberger se l'associa pour l'exploitation d'une filature de laine. Cette filature de laine fut transformée en filature de coton et devint le noyau des grands établissements cotonniers élevés à partir de 1818 le long du canal du Logelbach sur l'emplacement de quelques moulins.

Grâce à son travail infatigable, M. Herzog ne tarda pas à devenir propriétaire unique de la maison dans laquelle il était entré d'abord comme directeur. Les principaux agrandissements de ses établissements datent des années 1822 et 1836. Secondé par ses deux fils aînés, Antoine et Eugène, dont le premier est resté depuis 1861 seul chef de la maison, il construisit en 1851 une succursale de ses filatures à Turckheim, après avoir acquis aussi deux tissages dans le val d'Orbey. En 1812, époque à laquelle il était encore simple employé, il dépassait le chiffre de sa fortune pour acheter à ses vieux parents une maison d'habitation et un jardin. A sa mort, survenue le 5 novembre 1861, il laissa à sa famille six établissements florissants occupant plusieurs milliers de bras, avec une fortune qui se chiffrait par des millions. Et l'on ne pouvait pas voir là, comme l'a dit, dans son oraison funèbre, un évêque de France devenu célèbre, qui était son compatriote, Mgr. Freppel, évêque d'Angers, « on ne pouvait pas voir là une de ces prospérités soudaines, qui naissent d'un heureux hasard, quand elles ne remontent à des causes encore moins honorables, mais le résultat d'un travail patient et courageux, d'une activité de tous les jours, soutenue et dirigée par le sentiment du devoir. »

Aussi M. Herzog s'était-il acquis l'estime générale. Tout en donnant la meilleure partie de son temps à l'industrie, il prit une part active aux affaires publiques, comme membre du Conseil général du Haut-Rhin, de la Chambre de commerce de Colmar, des différents comités de bienfaisance dont il a fait successivement partie. Fils de ses œuvres, doué d'un rare bon sens et d'une grande droiture de caractère, parvenu à la fortune par son intelligence et son travail, M. Herzog père aimait à rappeler ses modestes commencements, bien faits pour servir d'exemple et encourager son entourage. A ses ouvriers réunis à un banquet en 1850, le jour où le président de la République française lui avait envoyé la croix de la légion d'honneur en récompense de ses succès à l'exposition universelle de Londres, il disait: « J'ai travaillé comme vous ; comme moi, avec l'aide de Dieu et le travail, vous pouvez aspirer à devenir patron et à obtenir ce signe d'honneur que vous m'avez aidé à gagner. »

Les Établissements Herzog présentent aujourd'hui [1884] un ensemble d'environ 100.000 broches de filature, avec retordage et 1800 métiers à tisser, disséminés autour du Logelbach et dans les vallées voisines. Depuis leur fondation, ils n'ont cessé de se développer et de grandir. Avec le concours d'ingénieurs exercés et des ateliers de construction qui se trouvent sous la main, la création d'un tissage ou d'une filature est aujourd'hui chose facile, pour quiconque dispose des capitaux nécessaires. Il y a cinquante ou soixante ans, avant la construction des chemins de fer, il en était autrement. Alors il fallait chercher en Angleterre les machines voulues pièce par pièce, à cause de la prohibition sur la sortie des mécanismes complets. Ces pièces, on les réunissait comme on pouvait, suppléant à celles qui manquaient, commandant les engrenages dans un atelier, les arbres de transmission dans un autre, créant des moteurs dont la force et le rendement étaient encore mal connus. Impossible de réussir en pareilles conditions sans une capacité exceptionnelle et un travail soutenu. C'est dans ces conditions difficiles que M. Herzog a dû commencer son œuvre industrielle et qu'il a eu la satisfaction de la voir prospérer, quand tant d'autres autour de lui ont abouti à la ruine. Les produits sortis de ses fabriques jouissent toujours d'une excellente réputation, parfaitement appréciée pour leur qualité et leur fini aux expositions universelles de la France et de l'étranger. Ajouterons-nous que les perfectionnements de l'outillage et des procédés mécaniques n'ont pas seuls préoccupé les chefs de la maison. Ceux-ci, en se tenant au courant des inventions et des progrès de la science, se sont en même temps appliqués à l'amélioration morale et matérielle de leurs ouvriers, non par des discours, mais par des institutions de bienfaisance largement dotées. Plusieurs écoles entretenues aux frais de la maison, un hospice pour les ouvriers malades et sans famille, les cités ouvrières de Colmar, construites pour faciliter aux travailleurs l'accès de la propriété par l'épargne, une caisse de retraite pour les invalides et une caisse de secours dont l'organisation a pu servir de modèle aux institutions obligatoires introduites maintenant par le gouvernement allemand, en vue d'enrayer la marche du socialisme révolutionnaire, toutes ces œuvres attestent la sollicitude de la maison du Logelbach pour le bien-être de ses ouvriers.

Toutes les libéralités du fondateur de cette puissante maison ne se renfermaient pas d'ailleurs dans le cercle limité de la population ouvrière dont il était le chef et le bienfaiteur. Nul ne faisait en vain appel à sa générosité et selon l'heureuse expression du biographe déjà cité plus haut, il avait « cet esprit chrétien, cet esprit de charité qui sait faire tourner l'opulence en mérite et permet à la richesse de devenir une vertu. » En mourant, Antoine Herzog eut la satisfaction de laisser, avec son nom, à son fils aîné la continuation de son œuvre. Comme tant d'autres représentants de la grande industrie de l'Alsace, la considération dont il a constamment joui auprès de ses concitoyens, lui valut à diverses reprises l'offre honorable de représenter la ville de Colmar et son arrondissement dans les grandes assemblées politiques. Il déclina cet honneur pour sa propre personne, et ce fut un de ses gendres, M. Eugène Lefébure, qui accepta le mandat législatif et qui resta sans interruption, pendant dix-huit ans, député du Haut-Rhin. Suivant l'exemple paternel, M. Antoine Herzog fils, qui dirige actuellement [1884] la maison du Logelbach, a renoncé aux honneurs publics, afin de continuer plus assiduement son œuvre industrielle. C'est lui qui a construit, avec la cité ouvrière de Colmar, le grand tissage de Bagatelle, l'établissement le plus important en ce genre, qui existe en Alsace. Promoteur de l'idée de la construction d'un système de réservoirs dans les vallées des Vosges pour l'amélioration du régime des eaux du bassin de l'Ill, il a établi les barrages des lacs d'Orbey, mis en culture les flancs arides du Letzenberg et corrigé le cours de la Fecht entre Ingersheim et Turckheim, élevé la jolie chapelle du Logelbach, provoqué de grandes entreprises de colonisation pour la culture du coton en Algérie et au Sénégal, pris l'initiative des institutions de secours et d'instruction déjà signalées comme autant de créations utiles et bienfaisantes, honneur d'une existence toute entière consacrée au travail !

Source : Biographies Alsaciennes, Série 2, 1884


VERSION PDF POUR IMPRIMANTE

Copyright SHW 2019 - Webmaster Guy Frank

E-mail
contact@knarf.info

Page d'accueil Herzog
http://wintzenheimlogelbach.free.fr/Herzog/Herzog.htm