WINTZENHEIM . LOGELBACH

Antoine Herzog fils (par Bopp)


ANTOINE HERZOG FILS, un réalisateur et philanthrope alsacien (1816-1892)
par Marie-Joseph BOPP

LES DEBUTS DE L'INDUSTRIE ALSACIENNE

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, une grande révolution économique s'opéra en Europe du fait de la naissance et du développement de la grande industrie. Partie d'Angleterre, elle gagna bientôt le continent, et, par la Suisse, vint en France et surtout en Alsace. En 1760, Christophe Philippe Oberkampf créa à Jouy ses célèbres ateliers de filature et de tissage. Bavarois, il était venu en France en passant par Aarau, en Suisse.

Ce pays, aux portes de l'Alsace, était en effet sur le continent à la tête de l'industrie naissante. Vidal de la Blache relate dans son ouvrage : « La France de l'Est » (1) qu'entre 1746 et 1762 l'industrie mécanique se développa à Bâle et aux environs, surtout à Mulhouse. Cette dernière ville, qui comptait à l'époque moins de 5.000 habitants et a fait partie de la Confédération Helvétique jusqu'en 1798, jouissait, par son commerce, d'un traitement d'égalité avec les établissements nationaux sur le marché intérieur du pays. Dès 1771, les rares Alsaciens qui avaient ouvert des fabriques, se plaignirent de la « cupidité » des Suisses qui s'enrichissaient par la contrebande aux dépens des Alsaciens. Mais en 1789, un cordon douanier fut établi autour du territoire de l'enclave si bien que le rattachement de Mulhouse à la France, en 1798, fut, comme Charles Schmidt l'a prouvé, « une conquête douanière », car « l'Etat isolé de Mulhouse fut conquis à la France non par des soldats, mais par les douaniers » (2).

C'est à Mulhouse qu'en 1746, Jean-Jacques Schmalzer (3), associé avec le peintre Jean-Henri Dollfus et le rentier Samuel Koechlin, installa le premier atelier pour la préparation des étoffes coloriées au pinceau, des « indiennes ». Cette industrie devint la mère de toutes les autres branches complémentaires ou auxiliaires dans le Haut-Rhin. Elle conduisit d'abord à la filature et au tissage du coton, puis à la naissance de l'industrie chimique à Thann, fondée en 1808 par Philippe Charles Kestner, le fils de la Charlotte, l'héroïne de « Werther », qui avait épousé Kestner, l'ami de Goethe. Enfin les machines nécessaires pour les usines furent fabriquées dans les grands ateliers de Cernay et de Mulhouse.

L'exemple de Schmaltzer fut vite imité et, en 1765, on comptait à Mulhouse et aux alentours 14 petites fabriques de toiles peintes (indienneries). Ce sont pour la plupart des Suisses qui, peu avant la Révolution, commencèrent à installer dans les vallées vosgiennes des filatures de coton, la main-d'œuvre étant devenue rare dans leur propre pays. Ainsi une zone nettement industrielle se dessina en Alsace, confinée uniquement à la rive gauche de l'Ill.

En 1775, Jean-Michel Haussmann, petit-fils d'un pharmacien originaire de Canstatt en Wurtemberg, établit avec ses frères une manufacture de teinture et de toiles peintes aux portes de Colmar, au Logelbach. C'est lui qui fut le grand-oncle du Baron Georges Eugène Haussmann, le célèbre préfet du Second Empire. Cinq ans plus tard, en 1780, André Hartmann, fils d'un pauvre ouvrier teinturier de Colmar, fonda avec Jean-Henri Riege, d'Augsbourg, un atelier de toiles peintes à Munster. La première filature mécanique de coton fut établie en 1802 à Wesserling par deux industriels de Genève, Gros et Roman.

L'industrie alsacienne prit un essor prodigieux sous le Premier Empire, à la faveur du Blocus continental qui excluait la forte concurrence anglaise sur le marché du continent. Par la suite, elle sut s'adapter aux différents changements politiques et prospérer pendant tout le XIXe siècle (4) qui vit l'éclosion de nouvelles usines dans les centres industriels et dans les vallées des Vosges. Les superbes villas de nos riches manufacturiers remplacèrent les châteaux féodaux qui couronnaient jadis nos montagnes, tandis que, dans les vallées, les anciennes abbayes sécularisées, bien souvent achetées comme biens nationaux, faisaient place aux usines modernes, la prière cédant la place au travail.

La noblesse alsacienne qui lentement s'éteignait, ou émigrait, fut supplantée par une nouvelle caste, le patriciat réformé de la bourgeoisie, à laquelle l'historien alsacien Fritz Kiener (5) a donné le nom de « fabricantocratie ». Son centre était et restait Mulhouse avec les Dollfus, les Mieg, les Koechlin, les Schlumberger, les Schwartz, les Risler, les Thierry, les Schoeni, les Huguenin, les Zuber (6), auxquels se joignirent les Gros, les Roman, les Blech, les Burckhardt-Bourcart, les Haussmann, les Hartmann et d'autres. La plupart étaient d'une lointaine origine suisse, quelques-uns d'Allemagne (7), presque tous étaient de bons calvinistes, austères dans leur vie familiale où régnait un esprit patriarcal. Cette caste, quelquefois décriée et mal jugée, était animée d'un esprit de solidarité exemplaire que renforcèrent de nombreuses alliances entre elles. Vis-à-vis de leurs ouvriers ils firent preuve d'une grande compréhension pour leur sort peu enviable et s'appliquèrent, par des institutions d'ordre social, à élever ces prolétaires au-dessus du niveau de leurs semblables des autres départements (8). En 1826, ils se groupèrent pour former la « Société Industrielle de Mulhouse » qui publia des Bulletins annuels rendant compte des perfectionnements techniques auxquels travaillaient sans cesse ses membres.

C'est un des leurs, Nicolas Koechlin (9), qui, en 1837, inaugure en Alsace l'ère des chemins de fer, quatre ans après les premiers essais en France ; un autre, Jean Dollfus, se fait très tôt promoteur des idées de libre échange (10). « Le dévouement aux intérêts de la province, écrit le 18 avril 1818 le Préfet du Haut-Rhin à Paris, la charité la plus active, les efforts les plus généreux se montrent partout près d'eux, à côté de tous les bienfaits de leur habile industrie. »

Il était difficile, sinon impossible, de franchir les barrières dressées par cette fabricantocratie calviniste qui considérait un peu comme son monopole le domaine des usines et des manufactures (11). Et pourtant, c'est un authentique Alsacien, catholique encore par surcroît, ancien ouvrier de fabrique lui-même, qui réussit, non seulement à se hisser à leur niveau, mais encore à inscrire son nom sur la liste de nos grands économistes du XIXe siècle. Il s'agit d'Antoine Herzog, père de celui qui fait l'objet de notre étude.

ANTOINE HERZOG PERE

Il est né le 25 janvier 1786 à Dornach (12). Son père était ouvrier dans la fabrique Dollfus. A cette époque, les enfants, à partir de l'âge de six ans, étaient déjà happés par la fabrique ; notre jeune Antoine n'y échappa pas, et c'est ainsi que, par l'apport de quelques sous par jour, il connut ce triste privilège d'aider à la subsistance de sa famille. Son grand patron, Jean Henri Dollfus, fut frappé par les brillantes qualités intellectuelles de ce jeune garçon et il le prit sous sa protection particulière. Il l'envoya à ses frais à Paris, au Conservatoire des Arts et Métiers que la Convention avait créé par décret du 13 octobre 1794. Le jeune Alsacien devint bientôt un des premiers élèves de cette Ecole où il acquit de vastes connaissances qui lui permirent de devenir, par la suite, un des principaux promoteurs de l'industrie manufacturière de France. Après avoir travaillé dans différentes filatures de notre pays, il revint en Alsace en 1806, pour y prendre, à l'âge de vingt ans, la place de directeur de la maison suisse Lytschy et Zuercher, établi à Bollwiller. Puis, en 1809, Nicolas Schlumberger l'attacha à son établissement de Guebwiller avec mission d'y monter une filature. Les affaires prospéraient, et Antoine Herzog s'associa à Schlumberger pour fonder, en 1818, une nouvelle usine au Logelbach à laquelle Colmar tout proche pouvait assurer la main-d'œuvre. Devenu bientôt seul propriétaire, il construisit en 1822, sur l'emplacement de quelques moulins dont il réunit les chutes d'eaux, une nouvelle filature qui fut agrandie en 1836. C'était un bâtiment haut de 5 étages avec chacun 27 croisées de front sur les deux façades longitudinales. Il fut détruit par un incendie en 1868. Son fils Antoine construisit alors en cette même année, sur des modèles anglais, une nouvelle fabrique qui, détruite pendant la dernière guerre, fut reconstruite en partie peu après. Rien de plus intéressant que de comparer les deux fabriques du Logelbach : celle des établissements Haussmann est un imposant édifice d'une huitaine d'étages avec 365 fenêtres ; la fabrique Herzog, construite en 1868, réunissait tous les ateliers de travail dans deux grandes salles en rez-de-chaussée où dix rangs de colonnes soutenaient la toiture d'où parvenait la lumière (13). Le tout, peu spectaculaire, était conçu pour offrir aux ouvriers les meilleures conditions possibles de travail et d'hygiène.

Puissamment aidé et encouragé par son fils Antoine et son gendre Lefébure, le fondateur de l'usine du Logelbach agrandit son entreprise en créant en 1849 un tissage à Orbey dont il confia la gérance à Lefébure, puis une filature à Turckheim, en 1853, suivie d'une autre, en 1858, sur les bords de la Fecht, entre Turckheim et Ingersheim. Après sa mort, son fils Antoine fit l'acquisition à Colmar, en 1868, de la fabrique Barth pour en faire une filature. La grande usine de tissage de Bagatelle à Colmar fut terminée en 1870, et enfin, en 1876, une nouvelle filature, celle du Moulin à Colmar, termina cette série ascendante. En 1878, l'usine Herzog occupait plus de 3.000 ouvriers et employés.

Antoine Herzog mourut le 5 novembre 1861 après une vie belle, parce que consacrée au travail. Ouvert aux questions sociales (14), il aimait à rappeler ses humbles origines. Ce labeur incessant lui valut en 1850 la Croix de la Légion d'Honneur qui lui fut remise lors d'un banquet où il avait réuni ses ouvriers. S'adressant à eux, il leur dit notamment : « J'ai été ouvrier comme vous ; avec l'aide de Dieu et le travail vous pouvez aspirer comme moi à devenir patron et à porter ce signe d'honneur que vous m'avez aidé à gagner » (15).

ANTOINE HERZOG FILS (16)

Il fut le digne successeur d'un père qui par son intelligence et par l'amour du travail s'était hissé à la tête d'une des plus belles entreprises de l'Alsace.

Le jeune Antoine aurait pu jouir en grand seigneur de l'immense fortune que son père avait acquise. Il aurait pu vivre à Paris la vie oisive d'un millionnaire, laissant à ses directeurs le soin de gérer ses affaires. Mais il ne l'entendit pas ainsi et la vie qu'il concevait répondit à la pensée Goethéenne :

Ce que tu as hérité de tes pères,
Acquiers-le, pour le posséder.

C'est matériellement et spirituellement qu'Antoine Herzog fut l'héritier de son père. Il considérait comme un devoir sacré de suivre ses traces, de le dépasser encore si possible, pour se montrer digne de lui. De tous les grands industriels, hommes de grande valeur, réalisateurs énergiques, bienfaiteurs de la classe ouvrière qu'a produits l'Alsace au XIXe siècle, c'est lui qui présente la figure la plus sympathique, quoique inconnue du public.

Penchons-nous un peu sur sa vie :

De l'union de son père, Antoine Herzog, avec Mlle Ehret, de Masevaux, étaient nés plusieurs enfants. Celui qui vit le jour le 6 août 1816 à Guebwiller, reçut le prénom de son père. L'enfant se montra très tôt doué des qualités d'énergie et de ténacité nécessaires à un bon meneur d'hommes, à un patron avisé. Son père l'éleva dans le but de faire de lui son successeur. Ne voulant pas qu'il perdît son temps à de trop longues études théoriques, il l'envoya, au sortir du lycée de Strasbourg, pour quelque temps à l'Ecole Centrale à Paris en tant qu'auditeur libre. Mais dès l'âge de vingt ans, il l'attacha à la maison paternelle, le dirigeant lui-même à travers les différentes branches de sa fabrication. Avant de devenir chef, son fils devait passer par tous les degrés de l'échelle, apprenant ainsi à obéir pour savoir commander un jour.

En 1838, à vingt-trois ans, Antoine Herzog épousa Mlle Ernestine Kohler, de Colmar, en qui il trouva une collaboratrice dévouée pour ses nombreuses œuvres de bienfaisance. Il se fixa alors définitivement au Logelbach qu'il ne quitta que pour entreprendre des voyages d'étude ou d'affaires. Après la malheureuse guerre de 1870, il habita un certain temps Paris, mais la nostalgie du pays natal le ramena au Logelbach, où il avait passé toute sa laborieuse carrière. Il y mourut le 11 avril 1892 et fut enterré à Wintzenheim auprès de ses parents et de son fils, mort prématurément. Il laissa un petit-fils et un petit-neveu, héritiers de sa fortune. Son épouse le suivit un an après dans la tombe.

Il me serait difficile de traiter les mérites d'Antoine Herzog comme industriel, n'étant pas expert en la matière. Je me permets cependant de glaner dans sa vie si riche quelques traits qui nous le montrent créateur, réalisateur, idéaliste, servant non seulement ses intérêts personnels, mais aussi ceux de son pays et de ses ouvriers.

1) L'Hydrographe

Comme son ami et collaborateur Charles Grad, Antoine Herzog fut un grand hydrographe. Nous avons vu que les pionniers de notre industrie ont choisi de préférence nos vallées vosgiennes pour y établir leurs usines. Ce n'est évidemment pas là l'effet du hasard si la main-d'œuvre s'y trouvait plus facilement que dans les villes. Mais la question de l'eau y jouait un rôle essentiel. Il en fallait pour actionner les machines, et l'eau pure de nos torrents était d'une première nécessité pour les teintureries. Or Logelbach a tiré son nom d'un canal de dérivation qui quitte la Fecht en amont de Turckheim pour rejoindre la Lauch à Colmar. Mais ses eaux n'étaient pas suffisantes ; Antoine Herzog fit agrandir le canal et aménagea une chute d'eau de 16 mètres, capable de produire une force de 1200 chevaux vapeur. A mi-chemin entre Turckheim et Logelbach il capta les eaux dans d'énormes tuyaux souterrains provoquant ainsi la chute de 16 mètres. Pour éviter les « chocs de bélier » causés par la trop grande pression d'eau dans les tuyaux, il eut l'idée géniale d'installer dans les tuyaux des cheminées pour permettre aux eaux trop abondantes de se libérer par le haut. Ce système exécuté il y a cent ans, fonctionne encore de nos jours.

Ces travaux attirèrent l'attention d'Antoine Herzog sur un autre aspect d'utilisation de l'eau pour la marche des usines. Car lorsqu'en 1849, son père ouvrit une fabrique à Orbey, la question de l'alimentation en eau se posa impérieusement, non seulement pour lui, mais pour tous les autres fabricants qui avaient établi des usines au bord de la Weiss, rivière formée par les écoulements des Lacs Blanc et Noir. L'idée d'utiliser les eaux de certains lacs vosgiens pour alimenter des cours d'eaux aux bords desquels se dressaient moulins et forges, est très ancienne. Ainsi, dès 1478, une charte émanant de l'Empereur Frédéric III autorisait la ville de Colmar à disposer des eaux de la Fecht depuis la crête des Vosges jusqu'à leur entrée dans la ville pour l'alimentation des moulins et forges (17). Mais le premier qui ait construit un véritable barrage dans un lac vosgien fut Vauban (18). Chargé en 1702 par Louis XIV d'établir la forteresse de Neuf-Brisach, il entreprit de surélever le niveau naturel du Lac du Ballon au moyen d'un barrage provisoire de 14 mètres, permettant ainsi d'amener de l'eau dans le canal qui porte son nom en vue de le rendre navigable pour le transport des matériaux nécessaires à la construction de sa célèbre forteresse.

Dans la première moitié du XIXe siècle, quelques rares industriels avaient fait des essais assez timides pour régulariser l'apport des eaux émanant des lacs vosgiens. Hartmann, de Munster, avait fait entre 1835-1837, quelques aménagements au Lac Vert et au Lac des Forlets ; les fabricants de Guebwiller avaient repris en 1850 l'endiguement du Lac du Ballon qu'on avait nommé aussi le Lac Vauban. L'ambition d'Antoine Herzog était plus grande : il voulait laisser aux fabricants riverains de la Weiss, habitant Orbey et Kaysersberg, un ouvrage définitif, construit sur des bases solides (19).

Jusque-là, le surplus d'eau s'écoulait par une gorge qui n'avait que 10 à 15 m de largeur. Elle suffisait pourtant pour écouler, en quelques heures, les masses d'eaux déversées dans les lacs par suite des orages, des pluies et surtout par la fonte des neiges. Si le niveau des deux lacs variait à peine d'un mètre, la Weiss, torrent formé par les excédents d'eau de ces lacs, causait, au printemps et en automne, de dangereux débordements dans les parties inférieures de la vallée, tandis que pendant huit ou neuf mois de l'année l'eau nécessaire à l'irrigation des prairies et à l'alimentation des usines manquait presque toujours. Il fallait donc essayer de pourvoir à une réserve d'eau.

Pour réaliser son plan, Antoine Herzog forma, avec son beau-frère Lefébure, devenu maire d'Orbey, et cinq autres industriels intéressés, un syndicat qu'il présida et qu'il inspira. Les travaux commencèrent à la fin de 1856. Les constructeurs ne connaissant alors ni la quantité d'eau fournie par les neiges et les pluies puisqu'elle disparaissait immédiatement dans la vallée, ni le volume de la retenue possible, il est évident que des tâtonnements étaient inévitables pour un premier grand travail de cette nature. C'est ce qui explique pourquoi les digues durent encore être élevées par la suite afin d'augmenter la capacité des réservoirs.

Les deux barrages furent construits de la même façon et recouvraient l'ancienne rigole d'écoulement des lacs. La digue élevée autour du Lac Noir atteint une plus grande élévation que celle du Lac Blanc afin de contenir un volume d'eau plus considérable. Ensemble, les deux réservoirs assuraient une réserve de 3 millions de mètres cubes, soit 1.800.000 pour le Lac Noir et 1.200.000 pour le Lac Blanc, le premier ayant une surface de 16, le second de 29 hectares.

Les frais de construction pour les deux lacs s'élevèrent à 70.000 fr et il fallait compter 3 à 4000 fr par an pour l'entretien et la garde.

Mais le but que s'étaient assigné Antoine Herzog et ses amis, était largement atteint. L'eau était assurée à toutes les usines pendant toute l'année.

On peut dire qu'Antoine Herzog a été l'initiateur, le pionnier de ces travaux d'utilité publique. Son exemple a trouvé par la suite de nombreux disciples. Une bonne douzaine de ces lacs-réservoirs sont aujourd'hui disséminés dans nos Vosges ; presque tous ont été construits entre 1885 et 1895 par l'administration allemande : lac de Sewen (1885-87), Altenweier (1887-91), lac des Forlets (1890), lac de la Lauch (1889-94), lac de Soultzeren (1890-91), Schiessrothried (1887-91) (20).

Mais c'est encore Herzog qui avait conçu l'idée d'établir ces grands réservoirs d'eau dans les vallées tributaires de l'Ill. C'est son ami et collaborateur Charles Grad qui, sur l'initiative de son patron, avait étudié la question et publié en 1866 son : « Essai sur l'hydrologie du bassin de l'Ill », ouvrage qui a servi de base pour les futurs travaux (21).

Herzog s'était familiarisé avec les problèmes hydrauliques et avait assuré à ses usines l'alimentation en eau. Il pensait pouvoir encore utiliser ses grandes connaissances, non seulement dans l'intérêt de ses entreprises, mais aussi dans celui de la France entière.

Nous touchons ainsi à un chapitre de sa vie sur lequel il faut s'étendre un peu plus, le sujet étant encore aujourd'hui, après plus de 90 ans, d'une actualité brûlante :

2) La culture du coton en Algérie et au Sénégal (22)

Aussitôt après la Révolution de Février 1848, un petit industriel de Mulhouse, Edouard Bertelé, adressa, par l'intermédiaire du Préfet du Haut-Rhin, un rapport très clairvoyant au Gouvernement de Paris pour lui soumettre un vaste plan de colonisation et d'exploitation de notre colonie d'Algérie. Dans ce document inédit (23) de mars 1848, Bertelé dit notamment : « Notre industrie sera à la merci des puissances étrangères tant que nous ne pourrons pas nous-mêmes produire les matières premières. Ainsi, nos fabricants qui emploient du coton, sont rançonnés par les Anglais et les Américains. Il peut même arriver que, par suite d'une guerre maritime ou d'une autre cause quelconque, le coton soit intercepté ou élevé à un prix exorbitant. Nos manufactures chômeraient et tous les débouchés de nos produits seraient à la merci de l'Etranger. Une branche importante de l'industrie serait donc anéantie.

On a essayé, il y a quelques années, la culture du coton en Algérie. D'après le rapport qu'on en a fait, ces essais ont complètement réussi. » Et - nous sommes en pleine crise après la Révolution - Bertelé ajoute : « Que Messieurs les fabricants prennent donc l'initiative que les ouvriers auxquels ils ne peuvent plus donner d'ouvrage dans leurs fabriques, soient occupés par eux à cultiver le coton en Algérie. Qu'ils envoient à leur tête des personnes instruites et aptes à entreprendre ces vastes plantations. »

Bertelé avait raison : les premiers essais de plantation du coton avaient été faits en Algérie en 1846 (24), et au début Napoléon favorisa les efforts de quelques colons. Malgré des résultats très prometteurs (25), la plantation cotonnière déclinait lentement vers 1860, quand surgit un événement qui aurait pu renverser complètement la situation et donner à cette culture un essor magnifique.

La Guerre de Sécession aux Etats-Unis avait éclaté en 1861 ; elle interrompit brusquement toute l'exportation du coton en Europe, comme l'avait prévu notre Mulhousien Bertelé. Le prix du coton décupla. Ce fait provoqua en 1862 une des crises les plus graves qu'eût jamais à subir l'industrie cotonnière en Europe, dans le Lancashire principalement, mais aussi dans le Haut-Rhin. Les pays voisins du bassin méditerranéen, l'Egypte tout particulièrement, firent des efforts considérables pour introduire ou développer la culture cotonnière. C'est alors que Jules Siegfried, le père de notre économiste André Siegfried, jeta les bases de sa grande fortune, non en plantant du coton, mais en ouvrant en 1863 un comptoir d'achat à Bombay, ainsi que son fils nous l'a raconté dans la « Revue de Paris » (26). D'autres Français crurent le moment venu pour cultiver le coton dans nos colonies, en Algérie surtout et au Sénégal.

a) Les industriels alsaciens en Algérie

Une commission d'étude de la Chambre de Commerce de Mulhouse entreprit de sérieuses recherches pour déceler les ressources véritables de l'Algérie sous le rapport de l'approvisionnement de nos manufactures en coton (27). Mais malheureusement l'accord entre les fabricants haut-rhinois ne pouvant se faire, les industriels reprirent leur liberté d'action et s'intéressèrent à de grandes sociétés, souvent avec des capitaux anglais. La maison Dollfus était intéressée dans une société anglaise, Jean Schlumberger, de Guebwiller, dans une société uniquement française, Aimé Gros de Wesserling figurait dans le conseil d'administration d'une société anglaise au capital de 25 millions. Pour différentes raisons, trop longues à énumérer, les trois sociétés échouèrent. La troisième avait peut-être eu le plus de chances de réussite, mais ses intentions étaient purement spéculatives ; elle ne voulait pas exploiter les terres, mais les vendre à grand bénéfice après la construction d'un grand barrage (aux frais de l'Etat) dans la région de l'Habra. Le Gouvernement algérien avait fait à la Société anglaise des propositions très avantageuses qui mécontentèrent les colons français de l'Oranais parce que faites à des étrangers. Comme cette société n'avait pas encore rempli les formalités indispensables et que l'acte de cession de 25.000 hectares de terres n'avait pas encore été signé, les colons du Sig se groupèrent en octobre 1862 en une association, la « Compagnie Franco-Oranaise », qui proposa au Gouvernement de payer les mêmes terres à un prix bien plus élevé que celui offert par les Anglais. A leur tête se trouvaient des planteurs de coton bien connus, comme Emile Masquelier du Havre, propriétaire à Saint-Denis-du-Sig, et Jules du Pré de Saint-Maur, propriétaire de la ferme modèle d'Arbal, président du Conseil Général de la province d'Oran, tous deux lauréats des premiers grands prix accordés par Napoléon III à la culture du coton en Algérie.

b) L'activité d'Antoine Herzog en Algérie

Mais l'âme agissante de cette société fut Antoine Herzog (28). Avec la farouche énergie qui caractérise ce grand réalisateur et organisateur, il assura le financement de la nouvelle société en se portant garant pour une somme importante. Herzog avait été lui-même plusieurs fois en Algérie ; il avait étudié sur place toutes les possibilités de culture, s'était entouré de spécialistes, avait acheté lui-même de grands terrains, dont il avait confié l'exploitation à son neveu (29). Il possédait la ferme modèle du Bois-Sacré et était devenu en un mot un spécialiste hors ligne. Il aurait sûrement réussi dans sa belle entreprise, si tout « n'était venu, nous dit-il, se briser contre la force d'inertie et le droit de possession des méthodes administratives imparfaites ». Le Gouverneur d'Alger réussit à atermoyer, à changer les conditions de vente, à refuser maintenant de construire à ses frais le barrage nécessaire, qu'il avait pourtant consenti aux Anglais.

Et cependant nous le répétons, son plan grandiose pouvait lui assurer la réussite. Tout était prévu : les fermes modèles, l'exécution des barrages si nécessaires en Algérie (30), car, dit-il, « sans les réservoirs d'eau, sans eau, rien n'est à faire, avec elle, on peut tout ». Il prévit des coopératives pour l'achat des machines à battre, des locomobiles, la construction de routes reliant la concession aux deux ports de Mostaganem et d'Atzew, l'établissement de deux stations de chemin de fer, etc.

Herzog entreprit démarches sur démarches pour réaliser son plan. Son beau-frère, Albert-Léon Lefébure, député du Haut-Rhin, intervint à la Chambre en faveur des colons oranais. Il obtint des promesses vagues. « On décourage les meilleurs volontés, écrit Herzog, l'élément arabe était seul en faveur, les colons ne paraissent avoir aucune des sympathies du gouvernement, ni à Alger, ni à Paris. »

c) L'échec

Une seule intervention pouvait encore sauver la situation, une audience chez l'Empereur. Herzog la sollicita, mais, ne l'obtenant pas, il adressa de Paris à l'Empereur le 6 janvier 1863 une première lettre dans laquelle il résume brièvement l'entretien qu'il avait eu avec le duc de Bassano : la première condition de réussite est l'arrangement d'un système d'irrigation des champs au moyen de réservoirs qui puissent retenir l'eau pour les époques de sécheresse. Ce sera le travail préliminaire. Mais le temps presse, les plantations devraient se faire au mois d'avril, un retard de quelques jours peut devenir un ajournement d'une année entière. Ce sera une nouvelle année d'attente de plus pour les ouvriers sans travail et il faut absolument abréger les souffrances de nos populations ouvrières. Tout est prêt, 200 colons oranais attendent le décret impérial pour mettre immédiatement la main à l'œuvre. Et Herzog conclut : « Je serais heureux d'avoir pu contribuer, pour ma part, à relever le rôle de l'initiative personnelle qui n'atteint pas en France toute la place qui devrait lui revenir, tandis qu'elle est, en Angleterre, une des sources les plus abondantes de la richesse et de la grandeur du pays. »

L'Empereur ne réagit pas sur cette lettre pressante. Sa politique arabophile (31), inspirée par les militaires, en particulier par Mac-Mahon (32), l'emporta sur les intérêts vitaux de l'industrie française. Mais Herzog continua à lutter. En mai 1863, il était le seul à poursuivre la culture du coton sur une grande échelle dans l'Oranais. Toutes les autres compagnies avaient capitulé devant le mauvais vouloir du Gouvernement Général d'Alger. Lui aussi dut à son tour se résigner, car tous ses efforts furent sabotés et un travail persévérant de trois années s'avéra inutile. Cependant, pour se justifier devant la postérité, pour donner un dernier avertissement aux responsables, Herzog écrivit une deuxième fois, le 18 février 1864, du Logelbach à l'Empereur.

Il récapitulait son histoire « qui n'est, dit-il, qu'un épisode, mais cet épisode se renouvelle si souvent que c'est bien là l'histoire de la colonisation de l'Algérie ». Lisons la fin de sa lettre si instructive, encore aujourd'hui : « Si l'Algérie doit sortir de sa léthargie, l'œuvre de la colonisation de son rôle passif, si ces terres arrosées avec le sang de nos soldats doivent devenir fécondes, tout cela ne s'accomplira que par une modification de l'administration actuelle de la colonie. La centralisation à Alger, malgré ses avantages, trouve, non sans raison, bien des contradicteurs ; mais la centralisation à Alger, avec la superfétation de celle de Paris, c'est l'ajournement indéfini des affaires, l'écueil contre lequel vient échouer la colonisation. L'administration civile a rendu de grands services à l'Algérie, ne pourrait-on pas, dès maintenant, lui donner plus d'étendue ?... »

Herzog voit dans la politique arabophile une barrière insurmontable à la bonne marche de la colonisation européenne : « Si l'administration continuait à ne voir d'avenir que dans l'élément arabe, les colons n'auraient plus qu'à liquider, et les sacrifices de la France auraient eu pour unique résultat de perpétuer sur une terre arrosée du sang de nos soldats un régime de confusion et de barbarie douze fois séculaire. »

C'est sur cette constatation amère, mais sans effet en haut lieu, que Herzog ferma à contrecœur son dossier sur la culture cotonnière en Algérie. Il avait en vain lutté contre les entraves administratives et la puissance d'inertie paralysant toutes les bonnes intentions.

d) Antoine Herzog au Sénégal

Même déception, mais pour une autre raison, au Sénégal (33). Là, dès 1817, le premier gouverneur après la Restauration, Schmaltz, fils d'un Alsacien, avait préconisé la culture du coton dans sa colonie et soumis un plan détaillé à son ministre pour faire du Sénégal une grande région de production cotonnière. Mais ce n'est qu'en 1858 que le gouverneur, le général Faidherbe, passa à la réalisation, encouragé par le résultat obtenu par les Anglais dans les colonies africaines voisines. Survint en 1861 la guerre de Sécession. Entre 1862 et 1866, 3.797 ha furent attribués ; 637 à d'anciens militaires, le reste à des Alsaciens ; Fritz Koechlin de Mulhouse obtint une concession de 1000 ha, son ami Jean Dollfus une de 160 ha ; Antoine Herzog reçut 1000 ha à la pointe Sarène, dont le village principal reçut le nom de Saint-Antoine-de-Sarène, en l'honneur de son propriétaire. Herzog finança une autre concession de 1000 ha que le Gouvernement avait accordée à la mission d'un Alsacien de Fessenheim, le vicaire apostolique de Sénégambie, Mgr Aloïse Kobès (34). Un condisciple colmarien de Herzog, le R. P. Ignace Schwindenhammer (35), natif d'Ingersheim, Supérieur de la Congrégation du Saint-Esprit, avait sollicité l'aide de son ami d'enfance pour développer ses missions sur la côte occidentale d'Afrique ; et « le catholique dévoué » Herzog avança 100.000 francs à Mgr Kobès, renonçant plus tard au remboursement de la somme de 60.000 fr. Après les premiers succès, qui paraissent affirmer la vocation cotonnière du Sénégal, l'effondrement vint inopinément en décembre 1865. Une nuée de sauterelles s'abattit sur les plantations, détruisant tout le travail fort pénible. La même catastrophe se répéta en 1866 et 1869. Dès la fin de 1865, Herzog abandonna ses plantations à la Pointe Sarène.

e) Le bilan de la plantation cotonnière

Au cours des années suivantes et jusqu'à nos jours, la production cotonnière en Afrique française, particulièrement en Algérie, est restée sans grande importance (36) ; les superficies cultivées varient considérablement d'une année à l'autre, suivant le degré de rentabilité des récoltes cotonnières par rapport à d'autres cultures.

Nous avons eu entre nos mains un rapport économique confidentiel d'une grande banque d'affaires, datée du 2 février 1949, qui dresse un bilan de plantation cotonnière en Algérie au cours des dernières années. Dans les régions d'Orléanville, de Saint-Denis-du-Sig et de Bône, 9.000 ha avaient été plantés en 1926, mais seulement 100 ha en 1946. Pourtant, un beau programme de développement de la culture cotonnière avait été dressé, prévoyant l'extension des plantations à 20.000 ha, nouvellement - enfin ! - irrigués. Mais malgré les années favorables de la Deuxième Guerre Mondiale, ce programme, moins vaste que les plans de Herzog en 1862, reste toujours à l'état de projet... Antoine Herzog en serait-il étonné ?...

3) L'Œuvre sociale d'Antoine Herzog

L'industriel de Logelbach trouva plus de satisfaction dans l'œuvre sociale qui lui tenait tant à cœur. Pendant toute son existence, le chef de l'entreprise du Logelbach fit preuve d'un très grand attachement à ses ouvriers, et il fut toujours à l'affût d'améliorations nouvelles, susceptibles de leur rendre un meilleur sort.

Malgré l'opposition de son père que la nouveauté inquiétait, il fut un des premiers industriels alsaciens à introduire les nouveaux métiers de selfacting, remplaçant les anciens mule-jennys qui demandaient plus de travail aux ouvriers. Il fut aussi le premier à diminuer, en 1864, la durée quotidienne du travail dans les usines, la réduisant de 12 heures à 11 heures, sans diminuer le salaire (37). A cette époque, c'était un acte courageux, mais qui lui fut d'ailleurs profitable. Il eut en effet la satisfaction de constater qu'avec un travail quotidien réduit à 11 heures, la production des filés avait augmenté de 15% dans la même unité de temps pour certains articles. Son exemple fut suivi par d'autres industriels, notamment par Dollfus-Mieg et Cie qui purent constater le bien-fondé de l'expérience Herzog. Mais comme les industriels mulhousiens voulaient également diminuer proportionnellement le salaire, une grève éclata à Mulhouse et dans les vallées avoisinantes, peu avant la déclaration de la guerre de 1870 et les ouvriers eurent satisfaction. Au Logelbach tout resta dans le calme (38).

La nouvelle fabrique, construite après l'incendie de 1868, était conçue selon les règles les plus modernes de l'hygiène d'alors. Des ventilations et des arrosages pratiqués à l'aide de fontaines placées à l'intérieur même des ateliers, donnaient de la fraîcheur en été ; un chauffage à la vapeur maintenant en hiver la température interne à 20 degrés. Pour prévenir les accidents, les transmissions et les engrenages étaient recouverts d'enveloppes protectrices. De vastes vestiaires avec des fontaines pour les ablutions permettaient de changer de vêtements. Pendant les heures de travail, les ouvrières portaient un grand tablier blanc, fourni par l'établissement (39).

Mais Herzog avait aussi à cœur d'améliorer la vie de ses ouvriers en dehors de leur travail. Un des problèmes les plus difficiles à résoudre était, comme de nos jours, celui du logement. Ne pouvant leur offrir la poule au pot chaque dimanche, il voulait qu'ils eussent au moins un logement propre, sain, net, ensoleillé, si possible une petite maison qu'ils pourraient acquérir à la longue.

a) La cité ouvrière de Colmar

En ce point, Herzog n'était pas un initiateur, mais il imitait ce qui avait déjà été réalisé avec grand succès à Mulhouse. Le premier, Jean Zuber (40), avait eu l'occasion lors de l'exposition industrielle de Londres en 1851 d'étudier le système anglais de construire des cottages pour les ouvriers, et rentré chez lui, il fit bâtir quelques cottages autour de l'Ile Napoléon, aux environs immédiats de Mulhouse. Jean Dollfus avait repris en 1853 sur une grande échelle la réalisation d'une cité ouvrière modèle, et Napoléon, inspiré par le Comte Eckbrecht de Dürckheim (alors Préfet du Haut-Rhin), qui voulait gagner la faveur et des industriels influents et des ouvriers républicains, avait accordé pour cette œuvre une subvention de 300.000 fr. Cette cité ouvrière qui s'étend entre les anciens quartiers de la ville et Dornach, à proximité des principales fabriques, a servi de modèle à toutes les cités ouvrières de l'Alsace. Plus de mille maisons avec jardin furent construites, et en 1885, sur ces mille maisons, 775 étaient déjà entièrement payées par les ouvriers, devenus propriétaires (41). Deux autres villes suivirent l'exemple de Dollfus : Guebwiller en 1860 (41a) et Beaucourt en 1864 (41b). A Colmar (41c) ce fut Antoine Herzog qui lança l'idée de créer une cité ouvrière. Le 11 février 1866, il fit publier dans les journaux de Colmar (42) un appel. Signalant la crise de logement qui sévissait alors à Colmar en plein essor, il dit que la création d'une cité le préoccupait depuis longtemps déjà. Son ambition était d'offrir aux habitants de Colmar une occasion nouvelle de profiter des avantages que réunit cette ville et de la mettre à la hauteur du progrès déjà réalisé par certaines cités plus avancées. Et il ajoute : « Centre d'un remarquable mouvement agricole, situé au milieu d'un territoire éminemment fertile et riche en cours d'eaux, à l'entrée des vallées populeuses et industrielles et pourvu de nombreuses voies de communication, Colmar doit avoir un avenir. Il ne se peut faire qu'une ville si libéralement dotée par la nature soit moins bien traitée par les habitants. »

Il sollicite donc le concours des Colmariens au moyen de l'émission de mille actions de mille francs chacune, dont 600 étaient déjà souscrites par lui et sa famille. Ce qu'il voulait surtout, ce n'étaient pas de grosses sommes, mais un grand nombre de Colmariens s'intéressant personnellement à son projet. Il déclarait renoncer personnellement aux intérêts de ses actions tant que les revenus de la Société ne permettaient pas de distribuer un intérêt de 5% aux autres actionnaires qui, de ce fait, devinrent prioritaires. Les terrains qu'il possédait près de Bagatelle formeraient un apport en nature à très bas prix.

Un mois après, le « Glaneur du Haut-Rhin » du 25 mars annonçait que la totalité du capital social, fixé à un million, était entièrement souscrite : la Société était fondée.

Au bout d'un an, 72 maisons étaient terminées, et on avait fait l'acquisition d'un terrain entre Colmar et le Logelbach pour 800 à 1000 nouvelles maisons. Les maisons de Bagatelle existent encore dans le quartier qui s'appelle « cité ouvrière ». Six différents types avaient été choisis. Chaque maison comprenait un rez-de-chaussée avec cuisine, salle à demeurer et chambre à coucher, au premier étage deux grandes chambres, donnant sur un balcon. Le loyer mensuel était fixé à 5 francs pour une pièce, à 25 fr pour une maison entière de six pièces avec cave, grenier et petit jardin. Sur ce prix, les ouvriers de Herzog obtenaient encore une remise, les autres payaient le loyer entier. A l'encontre de Mulhouse, les locataires avaient le droit de sous-louer des chambres pour réduire le prix du loyer. Les jardins de Mulhouse étaient plus grands, les maisons un peu moins chères, mais Mulhouse avait bénéficié de la subvention impériale de 300.000 francs, alors qu'Herzog n'avait rien reçu. Napoléon était-il rancunier à cause de l'affaire algérienne ?

Les 72 maisons avaient coûté 263.926 fr, chacune revenait donc à 3.665 fr. Chaque ouvrier pouvait immédiatement devenir propriétaire de sa maison par un versement préalable de 250 à 350 fr. Une toute petite augmentation du loyer mensuel lui permettait de se libérer en 10 ou 15 ans (43). Pour éviter toute spéculation telle que l'achat fait par des ouvriers pour le compte de tiers, l'acquéreur ne pouvait vendre sa maison qu'au bout de 10 ans (44).

Par la fondation de la grande cité ouvrière de Bagatelle, Herzog avait voulu donner à ses ouvriers le goût de l'épargne, en leur offrant un excellent moyen de devenir propriétaires. Pour cela il fallut faire de petites économies - les petits ruisseaux forment de grandes rivières - et l'ouvrier désertait le café pour rester « chez lui » dans un intérieur propre. Le placement de ses économies était tout trouvé. Ne pourrait-on aujourd'hui encore, dans maint centre industriel, trouver une solution au problème du prolétariat : intéresser à la propriété les ouvriers en leur donnant la possibilité d'acquérir une petite maison, construite par le patron capitaliste ?

b) Les autres mesures sociales

Prenant à cœur les intérêts matériels et moraux de ses ouvriers, Herzog ne voulut pas s'arrêter en si bon chemin. Avec le développement de la cité il pensait pouvoir y établir une école, des bains, des asiles, des bibliothèques, des maisons de secours, « unissant ainsi, nous dit-il, à de justes préoccupations matérielles les vues les plus élevées et les plus fécondes de la charité et du dévouement social » (45).

Hélas ! La guerre de 1870 devait anéantir tous ces beaux projets. Antoine Herzog quitta l'Alsace, et quand il revint dans son pays natal, les temps avaient changé.

Pourtant, toujours fidèle à son programme, il fonda encore une caisse de prévoyance contre les accidents, une caisse de secours en cas de maladie, et une retraite pour les invalides (46).

Les malades étaient soignés gratuitement dans un bel hôpital privé, fondé en 1871 au centre du Logelbach. Mme Herzog s'en occupa très activement, aidée par deux religieuses qu'elle avait fait venir de Niederbronn et qui soignaient aussi les malades à domicile.

Le Logelbach n'est pas une commune autonome ; la plus grande partie de son territoire dépend de la commune de Wintzenheim. Il n'y avait donc pas d'église, et, le dimanche, les fidèles étaient obligés de se rendre soit à Colmar, soit à Ingersheim, soit à Wintzenheim. Mme et A. Herzog trouvèrent une solution. Ils firent construire à leurs frais la belle chapelle gothique que nous connaissons, sur les plans de la Sainte-Chapelle de Paris. Pour contribuer à couvrir les frais du culte catholique, ils avaient déposé à la Banque de Mulhouse une somme de 90.000 fr, dont les intérêts servaient à payer le traitement d'un vicaire et les autres frais du culte. Ces intérêts furent payés jusqu'en 1911, époque à laquelle les héritiers réclamèrent le remboursement de la somme. Après la guerre de 1914, la petite-nièce d'Antoine Herzog, Mlle Lefébure, offrit aux Dominicaines sa grande maison du Logelbach qui sert alors de couvent à ces religieuses.

Au Letzenberg, entre Ingersheim et Turckheim, Antoine Herzog avait construit une belle villa et une grande chapelle dominant la plaine d'Alsace. Pour consolider la pente très raide, il avait fait construire par ses ouvriers des kilomètres de murs, évitant ainsi, aux temps de crise, le chômage dans ses usines.

Au mois d'août 1914, villa et chapelle furent détruites par les canons allemands.

4) Son activité à Paris

Comme nous l'avons dit, au lendemain de la guerre de 1870, Herzog s'était retiré à Paris. Mais l'oisiveté forcée lui pesait. Un besoin incessant d'activité le poussa à fonder la « Société immobilière de la Plaine Monceau » (46bis). Elle était destinée à transformer complètement un des plus vilains quartiers de Paris. Là aussi il réussit, et, si tous les Français connaissent le superbe Boulevard Haussmann, du nom du petit-fils du manufacturier du Logelbach, ils ignorent que dans le 17e arrondissement la rue de Logelbach doit son nom à un autre manufacturier du Logelbach, à Herzog. C'est pour le remercier des grands services rendus à ce quartier que le Conseil Municipal de Paris avait donné ce nom à l'une de ses rues. La Société fondée par Herzog subsiste encore [en 1960].

CONCLUSION

Ces quelques traits brossent de façon bien imparfaite et combien incomplète le portrait de ce grand Alsacien, totalement méconnu et inconnu aujourd'hui. Comme son père, il n'a joué aucun rôle dans la vie politique du pays, à l'inverse d'autres industriels. Il a consacré toute sa grande et fertile activité aux questions économiques et sociales. Il prit une part très active aux travaux de la Chambre de Commerce de Colmar dont il préconisait, dans une brochure (47), une refonte complète. Mais toujours il resta dans la réserve, par modestie naturelle. Il ne fut membre de la Société Industrielle de Mulhouse que très tard, à la fin de l'année 1875.

Aussi sa boutonnière n'était-elle ornée ni de la Croix de la Légion d'Honneur, ni plus tard de la décoration de l'Aigle Rouge prussien 3e ou 4e classe, comme cela est arrivé à plus d'un de ses collègues. Ses loisirs, très rares, il les a consacrés entièrement à sa famille, à ses amis, parmi lesquels il comptait de grands peintres comme Henner, et à sa belle collection de tableaux, le seul luxe qu'il se permît.

Dans notre ère de la Sécurité Sociale, des Allocations familiales, des soi-disant Habitations à bon marché, de la Semaine de 40 heures, il n'était peut-être pas inutile de se pencher sur les aspirations sociales d'un de nos industriels qui a, pendant toute son existence, travaillé à améliorer le sort peu enviable de ceux qui étaient alors de vrais prolétaires. Il avait devancé son temps et réalisé déjà en partie ce que nous croyons avoir réalisé aujourd'hui.

Détail assez piquant : En 1887, un étudiant allemand, Heinrich Herkner, fils d'un industriel, élève de Lujo Brentano, a pris pour sujet de sa thèse de doctorat : « Die oberelsässische Baumwollindustrie und ihre Arbeiter ». Le jeune auteur ne ménage ni les fabricants calvinistes et francs-maçons (48), comme il les caractérise (p. 407), ni les cléricaux, tous unis pour poursuivre de leur haine tout ce qui est allemand. Il cherche tous les arguments défavorables aux capitalistes-industriels du Haut-Rhin, les sangsues véritables de la classe ouvrière (49), mais sur 411 pages d'attaques continuelles, il ne critique qu'une seule fois l'action de Herzog (p. 237), et cela au sujet de la Caisse de maladie que ce dernier avait fondée. Disons tout de suite que cette seule attaque est tout à fait injustifiée, car elle se base sur une fausse interprétation d'une phrase de Charles Grad, l'ami dévoué et collaborateur de Herzog. Xavier Mossmann, dans une vigoureuse réplique, a remis les choses à leur place (50).

Nous ne nous faisons pas ici l'avocat des industriels alsaciens du XIXe siècle. Il est malheureusement certain que l'enfantement, puis les années de croissance d'une nouvelle classe, d'un « Quatrième Etat », le prolétariat, ont entraîné à leur suite beaucoup de malheur, de misère, de désolation qui nous apitoient et nous font comprendre le Fouriérisme et le Socialisme. Mais on n'a pas le droit de dénigrer des industriels qui, animés de compréhension, ont voulu relever ces pauvres des pauvres.

C'est aussi une voix allemande, et plus autorisée que celle du jeune étudiant Herkner, celle du Ministre d'Etat allemand von Boetticher, suppléant de Bismarck, qui a pu dire au sein de la commission parlementaire pour l'examen des projets de loi sur les assurances ouvrières en Allemagne que le gouvernement n'aurait pas à se préoccuper de la question sociale, si tous les pays de l'Allemagne avaient des institutions sociales comme les Alsaciens (51).

Ces Alsaciens, ce sont les Jean Dollfus et son gendre Frédéric Engel-Dollfus de Mulhouse, les Jean Zuber de Rixheim, les Jean-Jacques Bourcart à Guebwiller, Fritz Hartmann de Munster, et surtout Antoine Herzog à Logelbach, d'autres encore, qui nous ont prouvé par des actes que richesse aussi oblige, qu'ils n'étaient pas nés pour jouir de leur grande fortune en égoïstes, mais pour réaliser un très bel idéal, celui d'aider à sortir du paupérisme ceux que la naissance ou le sort avait moins favorisés qu'eux !

Source : Marie-Joseph BOPP, Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, 1960

Logelbach

Antoine Herzog Fils par E. Dubufe, 1869 (photo E. Ohresser)


Notes

(1) P. VIDAL DE LA BLACHE : La France de l'Est (Lorraine-Alsace), Paris, 2e éd., p. 37.

(2) Charles SCHMIDT : Une conquête douanière : Mulhouse. Mulhouse (Meininger), 1912, in 8°, p. VII.

(3) Henry LAUFFENBURGER : Cours d'Economie alsacienne 1. Les bases matérielles, morales et juridiques. Paris (Sirey). 1930 p. 98 et suiv. Pour les débuts de l'industrie mulhousienne, voir surtout Paul René SCHWARTZ : Les débuts de l'indiennage mulhousien, Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, 1950 III, 1951 I, 1952 I.

(4) L'Industrie alsacienne, Revue Alsacienne XI, Paris 1887-1888, p. 183-191 et p. 255-263.

(5) Fritz KIENER : Die elsässische Bourgeoisie, Revue alsacienne illustrée XI, Strasbourg, 1909.

(6) X. MOSSMANN : Les grands industriels de Mulhouse. Paris, 1879.

(7) Camille SCHLUMBERGER : Papiers de famille, L’Alsace Française, XII, 1932. N° 32/33.

(8) Marie-Joseph BOPP : L'Œuvre sociale de la Haute Bourgeoisie Haut-Rhinoise au XIXe siècle. La Bourgeoisie Alsacienne. Etude d'Histoire sociale. Publications de la Société Savante d'Alsace et des Régions de l'Est. Strasbourg-Paris (F. X. Le Roux), 1954, p. 387-402.

(9) Edouard SITZMANN : Dictionnaire de Biographie des hommes célèbres de l’Alsace. Rixheim (Sutter) 1910, II, p. 57-58.

(10) C’est grâce à lui que le « Temps » du Colmarien Nefftzer restera fidèle à la doctrine du libre-échange, malgré la crise cotonnière de 1862. Voir René MARTIN : La vie d'un grand journaliste, August Nefftzer, Besançon (Camponovo), 1953, II, p. 145.

(11) LAUFENBURGER-PFLIMLIN : Cours d’Economie alsacienne II. L’industrie de Mulhouse. Paris (Sirey) 1932, p. 258, cite encore le cas du protestant Edouard Trapp.

(12) Voir (Charles GRAD) : A. Herzog. s. l. ni d. in 8° . 5p. (Extrait des Biographies Alsaciennes. 2e Série, 1884. 12e livraison) — Der Wanderer im Elsass I. 1888. p. 152 et 160. — FREPPEL et F. VILMAIN : Deux vies. Notices biographiques : Antoine Herzog (1786-1861). — Eugène Lefébure (1808-1874). Paris, 1876.

(13) Charles GRAD : L'Alsace. Le pays et les habitants, Paris (Hachette), 1906, p. 97. (1ère éd. de 1888).

(14) Ainsi il rendit un très grand service à la ville de Colmar en permettant, par une avance désintéressée de fonds, d'acheter l'usine à gaz. Il fit, en 1851, avec la municipalité un bail de location fictif de 9 ans. Voir à ce sujet Lucien SITTLER : Le Centenaire de l'Usine à gaz de la ville de Colmar, Annuaire de la Soc. hist. et litt. de Colmar, 1950, p. 86 et suiv.

(15) Ch. FOLTZ : Souvenirs historiques du vieux Colmar, suivis d’une courte notice biographique des hommes distingués de cette ville. Colmar. 1887, p. 383.

(16) Voir Antoine Herzog, manufacturier au Logelbach. Notice nécrologique présentée par A. DOLLFUS et A. DE LACROIX, Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, LXI, 1892, p. 393-398. Des articles nécrologiques dans le « Journal de Colmar », « Elsässer Tagblatt » du 14 avril 1892, dans la « Revue du 20e siècle. » Bâle, 1892, p. 125.

(17) Jean BRESCH : La vallée de Munster et les Vosges centrales. Guide du touriste. Colmar, 1871, p. 265.

(18) Paul HUOT : Des Vosges au Rhin. Excursions et causeries alsaciennes, Paris (Berger-Levrault), 1866, p. 416.

(19) Voir Construction des barrages des deux lacs Blanc et Noir, Bulletin de la Soc. Ind. de Mulhouse. XXIX, 1858, p. 508-518 (avec plan) et Charles GRAD : L'Alsace. op. cit. p. 67-68 ; 71-72.

(20) Voir Das Reichsland Elsass-Lothringen. III. Strasbourg (Heitz), 1901-03, p. 1048-1049.

(21) Abbé H. CETTY : Un Alsacien. Vie et œuvres de Charles Grad. Colmar, 1892, p. 23-24.

(22) Pour plus de détails à ce sujet voir Marie-Joseph BOPP : Les Alsaciens et la culture du coton en Algérie pendant le second Empire. (Extrait du Bulletin de la Société d'Histoire moderne et contemporaine du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1954, Paris, (Imprimerie Nationale), 1955, p. 273-281.

(23) Archives départementales du Haut-Rhin. M. 24,2. Signalons à ce même endroit un autre rapport inédit, fait par l'industriel mulhousien Jean Zuber-Karth : La colonisation de l'Algérie par les asiles agricoles. Rapport à M. le Maréchal de France, Ministre de la Guerre, daté du 25 décembre 1852. M. 24,2.

(24) Voir Le guide du colon et de l'ouvrier en Algérie, par M. P. HENRRICHS. Paris-Alger. 1843. Il mentionne, p. 30, les tout premiers essais qui « ont été jugés surpassant les plus belles sortes en qualité ».

(25) BOPP, op. cit. p. 275. Sur la manière de la culture en 1850 : Kurzer und gründlicher Beschrieb über die Kolonie in Afrika, Zum Gebrauch der Auswanderer und Auswanderungslustigen. Colmar (Decker), 1853, p. 84-86.

(26) André SIEGFRIED, Cotonniers aux Indes. Tiré-à-part 1950 in 4°, 22 p.

(27) BOPP, op. cit. p. 276.

(28) Nous suivons de très près la brochure devenue rarissime d'Antoine HERZOG : L'Algérie et la crise cotonnière, Colmar, 1864.

(29) Albert-Léon Lefébure. Il était le fils de Jean-Baptiste Lefébure, député du Corps Législatif et manufacturier à Orbey. Albert-Léon Lefébure commença sa carrière politique en 1863 comme membre du Conseil Général d'Oran. Né le 31 mai 1838 à Colmar, il s'est fait un nom comme écrivain et économiste et fut membre de l'Académie des Sciences morales et politiques. Il est mort en 1911 à Orbey (Haut-Rhin).

(30) Charles Grad, ami et collaborateur d'Antoine Herzog, publiera en 1877 une étude : Les irrigations et les barrages-réserves de l'Algérie et de l'Espagne.

(31) Exposée dans le célèbre manifeste : La Lettre sur la Politique de la France en Algérie », adressée par l'Empereur au Maréchal de Mac-Mahon. Paris (Imprimerie Nat.), 1865, in °4, p. 85.

(32) Mac-Mahon : Souvenirs d'Algérie, publiés par le Comte G. de MIRIBEL, La Revue des Deux Mondes, 1930, p. 853-854.

(33) A ce sujet voir le très intéressant travail de Roger PASQUIER : Les essais de culture du coton au Sénégal. Institut des Hautes Etudes de Dakar. Travaux du Département d'Histoire N° 1, 22 p. (Extrait des Annales Africaines de 1955).

(34) Edouard SITZMANN, op. cit., II, p. 51-52.

(35) idem, II. p. 759.

(36) Voir Henri EHRHART : La culture du coton en Afrique du Nord. Bulletin de la Soc. Industrielle de Mulhouse, XCIII, N° du 3 mars 1927, p. 180-190.

(37) Déjà en 1828 Jean-Jacques Bourcart avait soumis à la Société Industrielle de Mulhouse un projet « sur la nécessité de fixer l'âge et de réduire les heures du travail des ouvriers des filatures ». Mais son projet fut alors rejeté. Voir LAUFFENBURGER-PFLIMLIN, op. cit., p. 340-341.

(38) Dr Heinrich HERKNER : Die oberelsässische Baumwollindustrie und ihre Arbeiter. Auf Grund von Tatsachen dargestellt, Strasbourg (Truebner), 1887, p. 266. Il ne nomme pas Herzog, et Charles GRAD : L'établissement Herzog du Logelbach. Filature et tissage, Colmar, p. 30 et suiv.

(39) Ch. GRAD : L'Alsace op. cit., p. 101.

(40) HERKNER, op. cit., p. 210 et suiv. Et A. PENOT : Les cités ouvrières du Haut-Rhin, Mulhouse, 1867, p. 5 et suiv.

(41) GRAD : L'Alsace, op. cit., p. 230.

(41a) PENOT, op. cit., p. 36 et 118.

(41b) idem, p. 47-51 ; 141-144.

(41c) idem, p. 51-53.

(42) Voir Le Glaneur du Haut-Rhin du 11.02.1866. Création d'une cité ouvrière. Appel aux capitalistes. Voir aussi PENOT, op. cit., p. 47-53, 141-144.

(43) Charles GRAD, La cité ouvrière de Colmar, « Glaneur du Haut-Rhin » du 15 et 22 mars 1868.

(44) HERKNER, op. cit., p. 342, prétend qu'un consortium de spéculateurs israélites essayait, vers 1887, à acheter ces maisons dans la cité ouvrière de Mulhouse.

(45) Le Glaneur du Haut-Rhin, du 11.02.1866.

(46) Voir la critique injuste de Herkner, op. cit., p. 227-231.

(46bis) Voir Ch. GOUTZWILLER : A travers le passé, Souvenirs d’Alsace, Belfort, 1898, p. 424-427.

(47) Antoine HERZOG : Les chambres de commerce, Colmar, 1870.

(48) Herkner, dans ce point, dit la vérité. La Loge de Mulhouse : « La Parfaite Harmonie », avait été fondée en 1809 par 17 citoyens de Mulhouse, en majorité des industriels. Parmi les 428 membres entre 1809-1859 nous ne trouvons pas moins que 204 industriels. Voir la liste des membres publiée à l'occasion du 50° anniversaire de la fondation de la loge.

(49) Il leur reproche p. c. de construire pour leurs ouvriers des maisons individuelles et non de grandes casernes, des « Mietskasernen », qui seraient à son avis plus hygiéniques pour les ouvriers que leurs petites maisons individuelles, op. cit., p. 337 et suiv.

(50) X. MOSSMANN : Lettre à M. le Dr. H. Herkner sur son livre : Die oberelsässische Baumwollindustrie und ihre Arbeiter, Mulhouse (Bruestlein et Cie), 1887, in 8°, 22 p.

(51) Cité par Charles GRAD : Les cités ouvrières, Revue alsacienne. Littéraire-Histoires-Sciences-Poésie. Beaux-Arts. Paris (Berger-Levrault), VI, 1882-83, p. 14.


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