WINTZENHEIM . LOGELBACH

Gustave-Adolphe Hirn - Tranches de vie


Logelbach

Médaillon de Gustave-Adolphe HIRN sur sa tombe au cimetière de Colmar
(photo Paul-André Cattin)

Introduction

Parmi mes souvenir de lycée il y un cours de Joseph Dreyer, notre professeur de physique dans lequel il nous évoqua les lois de Hirn sur la conservation du mouvement et ses travaux sur les huiles de graissage. Peu d’entre nous s’étaient préoccupés de ce vieux savant statufié devant la cour de récréation.

Qui fut Adolphe Hirn ?
- Un chercheur passionné ?
- Un industriel soucieux du rendement de son usine ?
- Un autodidacte génial ?
- Un savant universel ?

Gustave Adolphe HIRN est né au Logelbach le 21 août 1815.
Son père fut le peintre Jean Georges HIRN originaire de Mulhouse qui était entré au service des établissements HAUSSMANN à l’âge de quinze ans après son apprentissage à Mulhouse et en Suisse.
Il y rencontra Louise Haussmann, fille du chimiste Jean Michel Haussmann dit Logelbach cofondateur de l’usine.
Gustave Adolphe a été le dernier enfant du couple. C’était donc un fils de patron, ce qui explique la suite.

Enfance et éducation

L’enfance du jeune Gustave Adolphe se passe entièrement à la maison.
En effet, les parents, très éprouvés par la mort de leur fils aîné décédé dans un accident au collège à Strasbourg, décident en accord avec les autres membres de la famille présents au Logelbach de rétribuer un précepteur et de faire instruire les enfants à la maison. Ainsi se formera une « classe unique » dont Adolphe est le plus jeune et qui se composera d’un certains nombre de cousins…
Le jeune homme apprendra les rudiments de ce que doit savoir une personne cultivée : s’exprimer correctement, savoir compter, avoir des notions d’art graphique et de musique… mais sans réelle suite, ainsi il ne suivra jamais un cours de mathématiques sérieux. Le précepteur, M. Doyen, trouvant Adolphe doué pour les sciences, on louera les services de Rodolphe Kaeppelin, professeur au collège de Colmar qui en deux ans lui apprendra les rudiments de la chimie et de la physique.

Deux événements marqueront le jeune Gustave Adolphe :
- Ce 22 juillet 1822, un cocher devait conduire l’enfant en ville. On était prêt à partir lorsque le cocher se rendit compte qu’il avait oublié quelque chose, on dit que c’était sa pipe. C’est pendant que l’enfant attendait que la poudrerie voisine explosa. Les auteurs sont d’accord pour dire que ces quelques minutes de retard sauvèrent la vie de l’enfant. Adolphe Hirn fut très impressionné par cet évènement et le racontait souvent.
- En 1824, on montait la première machine à vapeur Watt et Boulton dans la cour de l’usine, Adolphe assista aux travaux avec grand intérêt.

Jeunesse et apprentissage

Lorsque le jeune homme eut 19 ans, on décida qu’il était temps de commencer son apprentissage de futur chef d’entreprise. On nous décrit souvent « l’apprentissage » des fils de patron au XIXème siècle. Passant d’atelier en atelier dans les usines paternelles, ils s’initiaient au fonctionnement des machines mais aussi au contact avec les ouvriers et les employés, ce qui faisait d’eux des hommes de terrain plutôt que des gestionnaires. Sur le désir de son père, le jeune Adolphe fut employé dans l’atelier de contrôle et de préparation de peintures. Le local affecté à ces activités était assez malsain et fut la cause d’une affection du tube digestif dont Hirn ne put se débarrasser. C’est aussi vers cette époque que, pour corriger un strabisme de l’œil gauche une opération fut tentée mais échoua ce qui rendit le jeune homme borgne.

Adolphe profitait de ses moments de liberté pour aller à Paris visiter les cabinets des chimistes et suivre leurs cours en auditeur libre sans s’inscrire dans une école. Musicien dans l’âme, il aimait aller au concert.

Recherches

En 1842, une restructuration de l’entreprise conduit à l’abandon de la partie impression. L’entreprise prend le nom de « Haussmann, Jordan, Hirn et Cie ».
Gustave Adolphe avec le titre d’ingénieur est affecté en même temps que son frère Ferdinand à la surveillance des machines dont ils dirigent l’entretien, le perfectionnement et le montage. L’état du matériel vieillot et passablement délabré n’était pas des meilleurs. Les divers ateliers se trouvaient séparés les uns des autres et à distance de la production d’énergie, turbines hydrauliques ou machines à vapeur.
Le problème de la transmission du mouvement vers les lieux d’exploitation se posait de façon aigue. En effet les liaisons se faisaient à l’aide d’axes et de divers systèmes de roues dentées et les pertes de vitesse et de force étaient considérables. Charles Ferdinand, le frère aîné avait eu l’idée de relier les bâtiments à l’aide d’une transmission par câble d’acier qui fut baptisé système « Télodynamique ». Un câble fut installé entre deux poulies distantes de 80 m et le système se révéla très économique. Adolphe Hirn calcula que sur une distance de 1000 m la perte était de 0,3%. Un compte rendu fut fait à la Société Industrielle de Mulhouse en 1854, et une installation fut réalisée à Emmendingen. Dès 1861, on trouvait 274 installations semblables après que le système ait été montré, en 1862, lors de l’exposition universelle de Londres. Le fabricant de câbles, l’entreprise Stein avait déjà livré 58 km de câbles d’acier à cette époque.

Pendant qu’on travaille au système de télodynamique, Adolphe Hirn s’intéresse aussi aux ventilateurs. Il étudie toutes les formes d’hélices possibles pour trouver les plus performantes.

Adolphe Hirn s’intéresse très tôt à tout ce qui se mesure. Ainsi il mesurera l’écoulement des fluides et en particulier des masses d’eau dans un canal, et d’autres travaux annexes sur l’hydraulique. Au Logelbach il avait à sa disposition tous les préalables à ces travaux.

L’optique générale des recherches d’Adolphe Hirn sera toujours le perfectionnement des machines et l’amélioration de leur rendement. C’est ce qui le conduira à étudier les divers facteurs de l’interaction des pièces dans les machines au sens le plus large du terme. Ainsi il commence à étudier ce qui se passe lorsque deux pièces métalliques frottent. D’abord il se lance dans les diverses possibilités de graissages. Jusque là on utilisait surtout les graisses animales et végétales qui coûtaient assez cher et se dégradaient rapidement en perdant une partie de leurs propriétés. A. Hirn se met à expérimenter divers mélanges d’huiles minérales qu’il trouvait dans les gisements de Lampertsloch, Pechelbronn n’est pas encore ouvert à cette époque. Il trouve un mélange d’huiles minérales et végétales qui le satisfait et raffine aussi les huiles de pétrole. Cela le conduira même à ouvrir un atelier de production qui vendra vers d’autres établissements.

L’âge mûr - Le technicien et penseur universel

1848, Hirn présente les résultats de ses recherches à l’académie des sciences sur les instances de Fourneyron : les conclusions de Hirn sont en contradiction complète avec les théories du moment, surtout de Carnot qui considère la chaleur comme un élément indestructible et après une année de discussions sont rejetées par les académiciens. Hirn retire son texte et le présente à la société industrielle de Mulhouse sans plus de succès. Cependant, Emile Dollfuss, président de la Société reconnaissant la valeur du travail de son ami, l’encourage à reprendre son texte en le simplifiant, on arrive ainsi à la forme présentée et agrée en 1854.

En 1857, Hirn propose un texte sur les « Recherches sur l’équivalent mécanique de la chaleur ». Le texte est accepté par la société de physique de Berlin et en reçoit un prix

Le corps humain est considéré comme un moteur thermique. Hirn constate que :
1. La chaleur qui se développe dans le corps est fonction de l’oxygène respirée par le corps.
2. Au repos la chaleur est proportionnelle à la respiration.
3. En cas de travail mécanique du corps la quantité de chaleur produite est en rapport avec le travail fourni (exemple de l’ascension).

Dans le cours de ses responsabilités à l’usine, A. Hirn se voit confronté à un certain nombre de problèmes concernant les machines et la production du mouvement pour les entraîner.

La surchauffe de la vapeur dans la machine à vapeur

Parmi les difficultés qui se font jour au fur et à mesure des études et des expériences, on trouve la consommation en carburant, le charbon surtout, des machines à vapeur. A. Hirn s’attaque au problème en utilisant et perfectionnant une idée utilisée par James Watt, mais que les fabricants de machines avaient plus ou moins abandonnée : il s’agissait d’entourer le cylindre de la machine d’une couche de vapeur ce qui, en échauffant la paroi évitait une condensation excessive et donc le refroidissement de la vapeur et sa perte. Hirn se lance dans une série de mesures et d’expériences et constate l’utilité du procédé, ce qu’on appellera la surchauffe de la vapeur. Charles Grad dans ses « Statistiques » en donne le résultat :

« La substitution de la vapeur surchauffée à la vapeur ordinaire permet de réduire à 1kg 250gr par heure et par force de cheval la quantité de houille pour le chauffage des machines à vapeur. C’est ce qui résulte d’une expérience prolongée faite au Logelbach par M. Hirn et contrôlée par le comité de mécanique de la Société industrielle. M. Hirn a exposé les résultats de ses recherches sur cette question dans une série de mémoires sur l’utilité des enveloppes de vapeur, sur la théorie de la surchauffe, publiés en 1855 et en 1856 dans les Bulletins de la Société. Le savant physicien, petit-fils de Michel Haussmann, à qui l’industrie alsacienne doit d’importantes découvertes, avait obtenu avec une machine du système Woolf une force de 104 et de 79 chevaux, suivant qu’il appliquait ou non au moteur l’enveloppe déjà recommandée par Watt, mais abandonnée dans les ateliers de construction. »

Quelques écrits

Notre savant ne se contente pas seulement d’expériences et de constructions, il fait paraître divers articles contenant des réflexions philosophiques sur ces travaux, ainsi :
En 1868 : Conséquences philosophiques et métaphysiques de la Thermodynamique.
En 1882 : La vie future et la science moderne
En 1885 : La notion de la force dans la science moderne
En 1886 : De l’habitabilité des corps célestes
En 1889 : Constitution de l’Espace céleste

La météorologie

A Hirn avait commencé des observations météorologiques en compagnie de son frère Ferdinand ; il s’était intéressé en particulier à la circulation des fluides lors d’une mémorable tempête et de là il se mit à étudier le phénomène des tourbillons. Il fit aussi des études sur la foudre et les paratonnerres.
Un phénomène qui s’observait beaucoup à cette époque était une série d’aurores extraordinaires qu’on disait dues aux cendres que le Krakatoa avait expulsé lors de son explosion en 1883.
Une série d’observatoires météorologiques fut installée dans tout le Haut-Rhin et les rapports envoyés à Colmar. L’action de ces observatoires fut interrompue par la guerre franco-allemande et ce n’est qu’en 1880 que ces observations purent être reprises grâce à l’Institut de France. Hirn fut doté de matériel par le ministère de travaux publics et put continuer son travail. Ces observations constituent un des premiers travaux sur la météorologie alsacienne.
En parallèle A. Hirn fait des observations astronomiques, il s’intéresse particulièrement aux anneaux de Saturne et sort un mémoire sur l’habitabilité des corps célestes. Enfin, peu avant sa disparition il publie sa grande œuvre sur la constitution de l’espace céleste.

L’artiste

Fils de peintre, Adolphe Hirn fut tout naturellement initié au dessin et à la peinture. S’il n’exerça pas ces arts lui-même, il fut un visiteur régulier des musées et des collections.
Il s’intéresse aussi à la photo et en 1861 il écrit un article à propos des photographies de Braun à Dornach dont il étudie la composition et aussi l’actualité.

La musique cependant l’attire bien plus. Violoniste dès le plus jeune âge, il tient le deuxième violon dans le quatuor du Dr Richard. Il assiste à tous les concerts qui se trouvent à sa portée même ceux de cliques militaires. Il est cependant obligé d’abandonner sa fonction au quatuor du fait de sa mauvaise vue. Ses auteurs préférés sont Richard Wagner pour l’originalité de ses tonalités et surtout Beethoven.
En tant que violoniste, il lit naturellement les partitions. Il s’intéresse tout particulièrement à la formation de la gamme diatonique dont parle un article paru en 1878 dans la revue d’Alsace : Musique et acoustique.

Cet article montre une fois de plus la façon de procéder du chercheur. Il calcule la vibration des cordes en se servant du diapason en la (il utilise un diapason en 435 qui donne un la plus grave que celui en usage actuellement -440-), il mesure soigneusement la longueur de corde libre du violon pour chaque note.
Une autre partie de la musique, le rythme, retient aussi son attention, très sensible aux pulsations, auscultait-il ses machines à vapeur ? A. Hirn s’intéresse tout naturellement au métronome dont il étudie le fonctionnement.

Conclusion

La réponse à mes questions.

Adolphe Hirn fut certainement un chercheur passionné dont la méthode allant du concret vers la généralisation d’un phénomène grâce à l’observation et aux mesures a porté des fruits spectaculaires. Ce fut aussi un scientifique autodidacte rigoureux touchant à de nombreux domaines y compris la prise de conscience philosophique de la vie. L’industriel qu’il fut à ses débuts fait vite place au chercheur et il terminera son existence en voyant en 1880, l’entreprise rachetée par la maison Vaucher de Mulhouse.

Source : Paul-André Cattin, Annuaire de la Société d'Histoire de Wintzenheim n° 12 - 2008/2009

Logelbach

Munument Hirn par Bartholdi, square du Lycée Bartholdi, Colmar

(photo Paul-André Cattin)


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